Tuesday, July 11, 2006

(PREJUGE TENACE)

Malgré sa moisson de critiques hostiles, nous n'hésitons pas à saluer (ce roman picaresque) comme un ouvrage très-alerte, fort bien écrit, et de lecture franchement plaisante. La tapageuse censure dont on l'accable vient, à n'en point douter, de ceux qui n'ont pas même daigné y jeter un coup d'oeil en vertu d'un préjugé chronique, or vraiment mal fondé : nous voulons parler de cette idée communément répandue selon laquelle un auteur dont tout le succès repose sur des ouvrages purement documentaires serait dans l'incapacité absolue de réussir des oeuvres de fiction. Cette opinion n'est pas défendable -- à peu près comme son contraire, d'ailleurs, qu'on monte pourtant beaucoup plus rarement en épingle. A la vérité, un écrivain réellement excellent, en quelque genre littéraire que ce soit -- entendez dans le domaine des Belles-Lettres, bien sûr, -- ne connaîtra jamais d'échec essentiel en tout autre qu'il déciderait d'aborder, ou pour lequel il saurait éprouver un intérêt suffisant. Le verdict populaire, certes, ne partage pas ce point de vue; mais alors, comme le dit si bien le philosophe Chamfort -- "il y a à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise; car elle a convenu au plus grand nombre." (...)


(Extrait du compte-rendu critique de "Salomon Labascule", un truculent récit d'aventures par J. P. Robertson, l'auteur de plusieurs livres savants sur le Paraguay -- Septembre 1839.
Non reproduit dans l'édition posthume de 1850.
Poe donne la maxime de Chamfort en français, tout comme, cinq ans plus tard, dans "La Lettre Volée".)

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