Wednesday, July 27, 2005

(A JETER AU FEU...)

(...) Le livre ouvert devant nous est, en soi, d'une imbécillité trop flagrante pour mériter une analyse critique de quelque ampleur -- mais comme échantillon de notre menu littéraire quotidien, comme ouvrage américain que s'évertuent à publier nos Harpers, comme spécimen de ces productions absurdes qui tristement menacent d'engloutir notre pays, nous ne nous épargnerons aucune peine, et sans l'ombre d'une hésitation, pour en exposer à la face du public, dans leurs moindres détails, les quatre cent quarante-trois pages de folie absolue, de totale fatuité, de complète ineptie. (...) A tous égards, ce volume n'appelle que le mépris. Et ce sont bien de tels livres qui jour après jour jettent le discrédit sur notre littérature nationale. Nous n'aurons aucun droit de nous plaindre des railleries qu'on nous réserve à l'étranger tant qu'un aussi épouvantable ramassis de fadaises, de plagiats, d'immoralité, de stupidité et d'enflure sera capable à tout moment de disposer sans réserve des services et d'un éditeur, et d'une clique de rabatteurs publicitaires. (...)


(Extraits de l'acide compte-rendu critique du piteux roman d'un certain Morris Mattson, de Philadelphie, "Paul Ulric: ou Les Aventures d'un Enthousiaste..." -- Février 1836.
Non repris dans l'édition posthume de 1850.)

Thursday, July 14, 2005

(LA MORT DU GOUT -- II.)

32.

K-------, l'éditeur, s'essayant à la critique, parle des livres tout à fait comme une blanchisseuse parlerait des Chutes du Niagara, ou un marchand de volailles d'un Phénix.


(Trente-deuxième entrée -- mais donnée erronément comme vingt-neuvième dans l'édition posthume de 1850 -- de la série "Cinquante Suggestions" -- Juin 1849.
Traduction de Ph. Dally -- 1939.)

(LA MORT DU GOUT -- I.)

26.

Le goût, tel que le manifestent nos poètes transcendantalistes, doit être traité "respectueusement", ainsi que le demande un des amis de M. Emerson. Il n'y a pas de doute; -- car le fait est que c'est le Goût à son lit de mort, le Goût qui rue in articulo mortis.


(Vingt-sixième entrée de la série "Cinquante Suggestions" -- Juin 1849.
Traduction de Ph. Dally -- 1939.)

(SIMPLE QUESTION DE PHYSIQUE)

24.

"Et la Beauté nous attire par un seul cheveu." -- Attraction capillaire, naturellement.


(Vingt-quatrième entrée de la série "Cinquante Suggestions" -- Mai 1849.
Le vers cité est le 28° du Livre II de "La Boucle de Cheveux Enlevée", le célèbre poème héroï-comique de Pope; un traducteur anonyme l'a rendu plus fidèlement que Marmontel par l'alexandrin suivant:

"Des cheveux quelquefois la Beauté nous enchaîne."

Traduction de Ph. Dally -- 1939.)

Wednesday, July 13, 2005

(PLUS NOIR QUE NOIR...)

.I.

On peut remarquer que si dans tous les pays l'omnicolore, le blanc, est reconnu comme emblématique de la Pureté, l'incolore, le noir, n'a, lui, nullement fait l'unanimité pour à suffisance caractériser l'Impur. Il y a des diables bleus comme il en est de noirs; et quand nous pensons vraiment du mal d'une femme, et désirons noircir son personnage, nous l'appelons simplement "un bas-bleu", tout en lui conseillant de lire dans le "Gargantua" de Rabelais le chapitre "de ce qui est signifié par les couleurs blanc et bleu". Il y a une plus grande différence entre ces "couleurs", en effet, qu'entre le simple noir et le blanc. Votre "bleu", quand il est question de ces bas, est noirissime -- "nigrum nigrius nigro" -- comme cette matière à partir de laquelle Raymond Lulle a pour la première fois fabriqué son alcool.


(Première entrée de la série "Cinquante Suggestions" -- Mai 1849.
Boutade acide sur les "bas-bleus" que Poe, quoiqu'on en pense généralement, ne manquait jamais d'étriller, tout galant qu'il fût.
Par "diables bleus" -- "blue devils" -- il faut entendre le "blues".
Curieusement, la réflexion initiale à propos du blanc (le Pur) et du noir (l'Impur) semble n'avoir encore jamais été versée au pourtant copieux dossier sur la sensibilité "sudiste" de notre auteur.
Traduction, retouchée car infidèle selon la lettre, de Ph. Dally -- 1939.)

Monday, July 11, 2005

(L'ART DU PEINTRE)

(...) Il a senti que le domaine propre du peintre, c'est l'apparent, et non le réel -- et que pour donner (techniquement parlant) une idée exacte d'un objet quelconque, il est absolument nécessaire de le laisser dans l'ombre ou de négliger complètement certaines parties de cet objet, afin de faire mieux ressortir d'autres parties, dont la seule description servira à représenter l'objet en question. (...)


(Extrait du compte-rendu critique de "L'Américain en Angleterre..." du Lieutenant A. Slidell -- Février 1836.
Non reproduit avant 1902.
Traduction de L. Seylaz -- 1923.)