Tuesday, August 31, 2004

(ART ET HABILETE ARTISTIQUE)

"Voici un érudit et un artiste qui sait parfaitement tous les moyens que les grands auteurs ont mis en oeuvre pour obtenir leurs effets, et qui est résolu à s'en servir. Mais le coeur échappe à ses pièges, à ses trappes, à ses lacs, pour se laisser prendre par quelque homme simple aussi peu préparé à cette aventure que son prisonnier."
("Conversations" -- Lowell.)

Je me trompe peut-être en attribuant ces phrases à Lowell lui-même, -- elles sont mises dans la bouche d'un de ses personnages. Mais quel que soit celui qui les réclame, elles sont poétiques, et rien de plus. Leur erreur vient de la tendance commune à séparer la pratique de la théorie qui la comprend. En toute circonstance, si la pratique échoue, c'est que la théorie est imparfaite. Si le coeur de M. Lowell échappe au piège et à la trappe, c'est que le piège était mal dissimulé et que la trappe n'était ni amorcée ni posée comme il l'aurait fallu. Un homme de quelque habileté artistique peut fort bien savoir comment on obtient un certain effet, l'expliquer et cependant faillir quand il veut en user. Mais un homme de quelque habileté artistique n'est pas un artiste. Celui-là seul est artiste, qui peut appliquer heureusement ses préceptes les plus abstrus. Dire qu'un critique ne saurait écrire le livre qu'il juge, c'est émettre une contradiction dans les termes.


(Conclusion, à peine retouchée, de la notice critique sur les "Conversations à propos de quelques Poètes d'Autrefois" de J. R. Lowell -- janvier 1845, telle que reproduite en août 1845 dans une livraison de "Notes Marginales".
Elle sera reprise sous cette forme, parmi les "Marginalia", dans l'édition posthume de 1850.
Traduction d'E. Hennequin -- 1882.)

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