Tuesday, August 17, 2004

(LES ROMANS MONDAINS)

Parmi les moralistes qui passent leur temps à avaler leurs pincettes pour se tenir droits, il est d'usage de décrier les romans "mondains". Ces oeuvres ont leurs défauts; mais l'immense et bonne influence qu'ils exercent ne leur a jamais été dûment comptée! "Ingenuos fideliter didicisse libros, emollit mores nec sinit esse feros." Or, les romans mondains circulent le plus dans les classes peu raffinées, et leur efficacité à adoucir les pires callosités, à aplanir les aspérités les plus rudes du vulgaire, est prodigieuse. Pour la masse, admirer et tenter d'imiter ne font qu'un. Peu importe si, dans ce cas, les manières imitées ne sont que vains oripeaux; civilité feinte vaut mieux qu'incivilité; -- et, après tout, on ne court pas grand risque d'altérer la valeur intrinsèque du fer le plus grossier en le recouvrant d'une couche de dorure, si transparente soit-elle.


("Marginalia" -- décembre 1844.
Repris tel quel dans l'édition posthume de 1850.
Traduction d'E. Hennequin -- 1882, retouchée par V. Orban en 1913.)

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