Tuesday, August 10, 2004

(PROPRIETE LITTERAIRE)

"Nous avouons n'avoir jamais été à même de saisir DISTINCTEMENT comment le manque de législation internationale en matière de droits d'auteur pouvait porter préjudice à NOS PROPRES écrivains." -- EX. PAPER.

La manière dont nous pillons les auteurs étrangers, et les arguments avancés par nos chambres législatives pour prétendre qu'il y a, pour nous, un avantage économique à voler dans les poches des étrangers, sont trop bien connus pour qu'on ait à y revenir -- mais il se trouve encore des individus pour demander assez ingénument en quoi l'absence de législation internationale en matière de droits d'auteur peut affecter les intérêts pécuniaires de nos gens de lettres, chez nous, en Amérique. La personne qui pose pareille question devrait commencer par écrire un livre, ou un article de magazine, et ensuite approcher un éditeur pour le lui vendre.
La réponse que l'éditeur réservera à sa démarche pourra dans le même temps servir très utilement à éclairer le débat général.
Il dira ceci -- "Mon cher Monsieur, vous êtes un homme de génie. Et je suis même disposé à admettre, si bon vous semble, que vous êtes un plus grand génie que... que... n'importe qui qu'il vous viendrait à l'esprit de désigner. Mais si votre ouvrage, je vous le paye un dollar, c'est implicitement reconnaître que non seulement vous êtes un plus grand génie que... dirons-nous Dickens?... mais aussi que vous, qui n'avez toujours pas publié la moindre ligne, vous êtes plus populaire que lui. Car, remarquez bien: les oeuvres de Dickens, je peux les obtenir sans ce dollar! C'est à peine mieux que de la piraterie, j'en conviens, mais c'est consacré par l'usage, et donc je n'ai pas fort l'impression d'avoir à rougir en agissant de la sorte. D'autant que je préfère rougir un peu... et épargner mon dollar. Voilà pourquoi je me vois forcé, pour le moment, de décliner toute proposition concernant votre livre. Mais permettez-moi de vous recommander à Mr A., ou à la maison d'édition H. ... Là, on sera peut-être en mesure de vous aider."
Toutefois, ce qu'il y a de plus insupportable, -- et le fait, jusqu'ici, de n'y pas vraiment prêter attention n'en ôte nullement le côté déplorable, -- dans cette absence de législation internationale en matière de droits d'auteur, c'est cet amer sentiment d'injustice qu'elle éveille dans le coeur de toute la gent littéraire, -- c'est cet intense mépris et ce dégoût profond que toute Noblesse Morale, que toute Pensée Créatrice au monde ne peuvent pas s'empêcher, quand bien même elles le voudraient, d'éprouver pour cette seule contrée qui ne leur accorde ni protection ni respect, -- pour ce seul régime qui non seulement pille en véritable bandit de grands chemins, mais qui, en plus, justifie ses vols comme chose commode et louable, allant jusqu'à s'en féliciter dès l'instant qu'ils sont commis avec habileté.


(Premier d'une série de quatre billets incisifs sur la délicate question de la "Rémunération des Auteurs Américains" -- janvier 1845.)

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