Monday, August 16, 2004

(NOS MAGAZINES)

Quels que soient les mérites ou les défauts, en général, de la littérature américaine publiée sous forme de magazines, on ne saurait mettre en doute son expansion ni son influence. La revue littéraire est par conséquent un sujet d'importance reconnue, d'autant plus que, d'ici à quelques années, cette importance se trouvera augmentée en proportion géométrique. Les publications périodiques révèlent une tendance indéniable de notre siècle. Cependant, les recueils trimestriels n'ont jamais pu devenir populaires. Non seulement ils sont trop guindés (attitude qu'ils affectent pour garder une certaine dignité), mais ils tiennent à honneur de discuter invariablement des questions qui demeurent obscures pour beaucoup de lecteurs et qui n'ont même presque toujours qu'un intérêt conventionnel pour un cercle restreint d'abonnés. De plus, ils paraissent à de trop longs intervalles pour que leurs articles puissent accompagner le courant de l'actualité. En un mot, leur gravité est tout à fait incompatible avec la précipitation de notre époque. Ce qu'il nous faut à présent, c'est l'artillerie légère de l'intelligence; nous exigeons qu'on se montre court, condensé, pénétrant, aisément persuasif; nous fuyons le verbeux, le détaillé, le volumineux, l'inaccessible. D'un autre côté, la légèreté de l'artillerie ne doit pas non plus dégénérer en puérilité, ce qui est le cas particulier de presque tous les journaux quotidiens, dont l'objectif légitime est de présenter des faits éphémères sous un aspect éphémère. Quel que soit le talent qui se donne carrière dans notre journalisme, -- et bien souvent ce talent est considérable, -- l'impérieuse nécessité de saisir au courant de la plume chaque sujet au vol, sous les yeux du public, doit forcément nuire à la presse quotidienne et restreindre les limites de son pouvoir. Tandis que, par l'abondance de leurs matières et leur apparition intermittente, les revues mensuelles semblent, elles, parfaitement répondre, sinon à toutes les exigences littéraires du jour, du moins à la majeure partie des besoins les plus généraux et les plus immédiats. (...)


(Introduction du commentaire critique sur le "Graham's Magazine" de mars 1845.
Reprise parmi les "Marginalia" de décembre 1846, elle figurera sous cette forme dans l'édition posthume de 1850.
Traduction de V. Orban -- 1913.)

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